Dimanche 15 Novembre
Journal d’un confinement en pyjama
Dehors le monde est gris
Dedans, il fait poésie.
Le café fume
Et le temps file,
Lentement, lentement, lentement.
Au tempo de nos cœurs en émoi.
Et moi, collé à la vitre de la réalité je me demande comment, comment faire de ce temps arrêté un temps augmenté, comment, comment rester en phase et en phrase avec la beauté, pendant la catastrophe.
…
«Ça va ? pas trop dur en ce moment ?»
La question de la semaine est signée François Hollande, elle fait sourire ironique à raison et pourtant, elle résonne aussi, fort, en ces temps troubles et troublés. J’ai envie de répondre, labess, on est là, hamdouli… non p’t’être pas, pas en ce moment, où il y a trop de gens à cran trop de cris trop de crises trop de crispations identitaires trop de cœurs qui crissent et cassent trop d’innocents qui casquent trop de crimes contre la femme et l’homme l’humanité dit-on, à la dérive d’elle-même. L’époque est opaque, incertaine à l’extrême, et il faut aller avec cet état défait, il faut aller, vers la victoire espérée après la défaite de l’intelligence et du sens commun, il faut aller sans retour à l’anormal, aller autant que faire se peut, je vous l’accorde l’expression est désuète mais je la trouve on ne peut plus juste, aller c’est bien de cela qu’il s’agit, aller moins mal, aller mieux, allez ma vieille allez mon vieux, si tu me permets de ne pas te vouvoyer, je te propose d’aller par monts et par mots, zélés, ailés, qui ont rythmé cette semaine, qui a commencé pour moi par un Lundi méchant.
Gaël Faye est back dans les bacs, avec un album invitation accrochez-vous, à « Chalouper » chalouper et à « Jump in the line », à faire « Boomer » les boomers à se souvenir de nous « Kwibuka », à vivre une « Histoire d’amour » et aussi à résister, exister, de « NYC » à « Zanzibar » ne pas céder aux assassins d’aube qui finiront « Seuls et vaincus » si nous consentons enfin à croire assez fort, et assez tendre en nous.
Vous souvenez-vous de la question de la semaine ?
«Ça va ? pas trop dur en ce moment ?»
Ça va, « C’est cool », last night a poet saved my life, je « Respire » le « Kerozen » des rêves d’un artiste grand par la taille et par le talent, un artiste qui va libre, vibre, et devient ce qu’il est, voleur de feu, allumeur de flammes et de boucans d’espérances, un artiste luciole lucide, dont la musique accrocheuse est accoucheuse d’horizon et de « Lueurs » dans la nuit du monde.
Bon vent à l’ami, au frère « juché sur les épaules de géants », qui poursuit son chemin de poèmes avec acuité, intégrité et générosité envers l’avenir, nous rappelant que la seule issue est de nous élever, oui définitivement, « Only way is up ».
…
Après l’album de Faya, j’ai été foudroyé par «Une douleur blanche », le nouveau roman de Jean-Luc Marty, ami écrivain voyageur, qui nous livre un texte mirifique, d’une délicatesse infinie, nous offrant « la possibilité d’écarter le temps, d’y tailler des brèches déraisonnables », un texte qui nous emmène « vers la fin des mots, par inutilité » et le recommencement, de la vie, avant toute chose.
L’écriture de Jean-Luc Marty est bouleversante et bouleversée, éloge de l’autre, l’être que l’on aime, comme un fils, comme une mère, comme un homme, comme une femme, solitude que l’on accorde à la sienne propre, à la lumière ou à l’ombre de ces amours qui vous fondent, vous font et vous défont, pour mieux vous fondre en vous, plus grande, plus grand, plus belle, plus beau dans le regard en face, posé sur votre âme à nu.
Je le sais parce que je le suis depuis longtemps,
Jean-Luc écrit avec le cœur, portuaire ! Chacune de ses phrases en étincelle, nous arrête et nous continue, en nous-mêmes émus, éblouis.
Si écrire à mon sens c’est prendre la mer, lire c’est autre chose encore, lire c’est apprendre, à prendre le large, à la nage, à la page, à la plage. Prendre le large, dans la voix, la langue habitée d’un être écrivant, qui vous convie à bord d’un bateau ivre, navire qui chavire ou peut chavirer l’âme et donner des ailes à l’esprit voyageur à la recherche du sens, perdu. J’ai pris le large avec ce texte dont je ne reviendrai pas, assurément. Et comme « dans mon pays, on remercie », alors merci
Jean-Luc de Kéroman
, Monsieur Marty, pour la beauté en partage … pendant la catastrophe.…
Je réalise que je viens de vous offrir une chronique non essentielle, en vous parlant d’un disque et d’un livre.
Silence cathédrale ou synagogue ou mosquée ou temple, ou tiens librairie, oui silence librairie, c’est mieux, pour un disque et un livre, la littérature et la musique étant non essentielles, selon le gouvernement en marche dans le vide. Silence librairies, oui car elles sont fermées, non essentielles elles aussi, peut-être une idée nouvelle de l’exception culturelle Française, je ne sais pas.
En attendant c’est la culture, et deux artistes, qui ont enflammé de leur essence, cette première chronique, journal d’un confinement en pyjama.
Dehors le monde est gris
Dedans, il fait poésie.
Le café fume
Et le temps file,
Lentement, lentement, lentement.
Au tempo de nos cœurs en émoi.
Et vous, «ça va ? pas trop dur en ce moment ?»
…
MAOB
One Love !!!
p.s : texte audio en écoute aussi, juste en cliquant sur le lien you tube ci-dessous.