Demain est annulé
C’est la fin du monde
Ou plutôt, la fin d’un monde ?

L’avenir envolé
La mondialisation est arrêtée
Pour une durée indéterminée
La mondialité peut commencer

Peut-être

À quoi sert la poésie ?

Question (spi)rituelle que (je me) pose depuis plus de 20 ans

Et j’entends toujours Césaire, fondamental, me répondre :

« À supporter le monde.  »

Tout est dit.

Mais je dirai aussi, pour continuer le professeur, et l’espérance, en toute humilité.

La poésie

Nous rappelle
À nous-mêmes

Vulnérables

Fragiles

Précaires

Humains

Capables

Et coupables

Du meilleur

Comme du pire

Ces gens aux fenêtres qui chantent et applaudissent

C’est de la poésie

En chacune, en chacun

Confiné(e)

Tous ces élans de solidarité, ces gestes de tendresse salutaires

C’est de la poésie

Toutes ces initiatives créatives qui fleurissent au printemps, créatrices de beauté et d’harmonie, ces partages par milliers de musique, d’images et de mots, d’émotions précieuses, de culture, qui relèvent et élèvent

C’est de la poésie

Toutes ces mains sur le cœur, à défaut d’être tendues, ces mains à l’ouvrage d’aider, d’aimer, d’aimer aider

C’est de la poésie

La poésie nous rappelle
À nous-mêmes

Nous rêverons
Nous créerons
Ou nous crèverons
Ensemble

La poésie nous rappelle que parfois nous nous inscrivons en faux

Contre nous-mêmes

Elle nous met

Face

À nos urgences oubliées
Nos vies falsifiées
Nos songes déroutés
Nos chemins intérieurs perdus
Dans la frénésie des jours qui passent
Avec ou sans nous

Face

À nous-mêmes
Donc
Nu(e)s et à nu
Sans voile
Sans fard
Ni masques de pluie

Face

Aux farces de l’ordre
Du désordre mondial
Qui lui-même jouit de nous
Contraindre à vivre sans quête de sens
Face contre terre nez dans le guidon
À vive allure droit dans le mur

Demain est annulé
C’est la fin du monde
Ou plutôt, la fin d’un monde ?

À Grand-Bassam
Sur une plage suppliciée
Des enfants jouent
Candides innocents
Comme tous les enfants du monde
Je les regarde co-vivre
Courir ensemble
Derrière la joie ronde
Comme un ballon aux couleurs vives
J’ai un sourire dans les yeux
Fixés sur mes pensées

C’est de la poésie

Toutes et tous
Au balcon
Comme hier à la terrasse
De nous-mêmes

C’est de la poésie

Aux Armes Miraculeuses
Citoyennes, citoyens
Nous ne nous en sortirons pas
Sans délicatesse pour nous-mêmes

C’est de la poésie

Confinée

En chacune, en chacun

Confisquée
Parfois
Par le temps qui manque
Et toutes ces choses qui nous pressent
De vivre, mais est-ce donc vivre ?
Sans liesse profonde, aux abois et en proie
Aux stress quotidiens que nous nous infligeons nous-mêmes librement

La poésie nous (r)amène

À la rive de nos rêves reportés
À la rime de nos espoirs déportés
À l’arrêt de nos « je » d’ego sans égal
À l’art qui nous lie et nous livre
Au mystère des étoiles ramassées
Dans la fange ou sous les pavés de cette plage
D’Afrique éternelle

La poésie nous rappelle

Dans les feuillets d’Hypnos, et la voix de Char, substantielle

Qu’il faut « beaucoup nous aimer, cette fois encore, respirer plus fort que le poumon du bourreau »

La poésie nous rappelle

À nous-mêmes

Vivants
Vibrants
Mortels
Agissant souvent
Comme inconscients
De notre finitude
Moquant les bienveillants, les bienfaisants
Qui tentent d’habiter le monde, élégants
Faisant face aux cyniques et aux vulgaires
En conflit permanent

En guerre

Contre le sens

Contre le noble

Contre la paix

Contre la terre

Contre toutes, contre tous

Et contre eux-mêmes

Aussi

Les sourires échangés entre le gars et la go là-bas

C’est de la poésie

Les textes que Fred et Albert m’écrivent via whattsap depuis une semaine, presque à la même heure bleue, l’heure de nous-mêmes

C’est de la poésie

Tous ces cœurs blottis les uns contre les autres, tout contre, toutes ces personnes qui offrent leur art, font leur part, fondent rempart contre la peur

C’est de la poésie

Le frangin croisé près d’Adjamé, avec son masque..sur le front, clamant haut et fort « virus là peut pas arriver ici, on a piment, gnamankou et soleil, virus là va faire comment ? », tout en me demandant un peu de gel pour les mains

C’est de la poésie

Dans le rire aux éclats qui a suivi sa phrase étincelle d’humour enragé

Demain est annulé
C’est la fin du monde
Ou plutôt, la fin d’un monde ?

L’avenir envolé
La mondialisation est arrêtée
Pour une durée indéterminée
La mondialité peut commencer

Peut-être

« À quoi bon les poètes en temps de détresse ? »
Se demandait Holderlin

Et j’entends Hugo, solennel, répondre :

« Le poète en des jours impies
Vient préparer des jours meilleurs.
Il est l’homme des utopies;
Les pieds ici, les yeux ailleurs.
C’est lui qui sur toutes les têtes,
En tout temps, pareil aux prophètes,
Dans sa main, où tout peut tenir,
Doit, qu’on l’insulte ou qu’on le loue,
Comme une torche qu’il secoue,
Faire flamboyer l’avenir! »

Je n’ai jamais eu de distance avec la poésie.
C’est un fait et une fête d’âme, qui sauve la vie.
Donne souffle au souffle, redonne la vue.
À celles et ceux, embrigadés, broyés, aveuglés par le système aujourd’hui enrayé, après avoir essayé et presque réussi à rayer partout sur la carte du globe, les valeurs de dignité, de compassion, d’empathie, d’alterité, d’humanité responsable.

Alors peu importe que l’on m’accuse.

De croire.

Croire, que demain peut être.

Car demain sera.

Ce que nous en ferons, collectivement.

Oui peu importe, que l’on m’accuse.

« Pour ma défense, je dirai que je suis poète »

Comme Rodney, loa de feu.

Et la poésie nous appelle.

À emprunter de nouveaux chemins sur la mer.

Et l’amour.

La poésie nous appelle.

Au polemos.

Ratons notre mort.

Et apprenons à revivre.

À hauteur de femmes et d’hommes.

Justes debout.

MAOB

One Love !!!

#TourDuMondePoétique
#LifeisAPoetrip
#FaireSaPartFaireRempart
#FromGrandBassamWithLove

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