ô Cameroun berceau de nos ancêtres

« ô Cameroun berceau de nos ancêtres,
Va debout et jaloux de ta liberté
Comme un soleil
Ton drapeau fier doit être
Un symbole ardent
De joie et d’unité … »
Notre hymne résonne. Fort.
Notre hymne résonne, sauf en nous Camerounais, du pays et d’ailleurs, qui devons faire face à un monstre que nous avons enfanté nous-mêmes et nourri toutes et tous, ensemble, de mots, gestes et pensées, d’humour imbécile et abject, d’insultes contre nous-mêmes, un monstre qui finira peut-être par sonner le glas d’une nation fragile comme le sont toutes les nations, surtout quand elles occultent le sens commun,surtout quand elles s’obstinent, aveuglément, à refuser d’accepter leur diversité.
Je regarde un pays, mon pays, quitté il y a plus de vingt ans.
Mon pays qui ne me quitte pas, m’accompagne dans ma marche du monde. Je regarde impuissant, un pays, mon pays, se déchirer. Et je pense à Um Nyobè. Mumié. Martin Paul Samba. Douala Manga Bell.
Tous morts.
Pour le Cameroun.
Le Cameroun. Un et indivisible. Dans l’idéal.
J’aime et j’ai mal à ce pays en moi de toujours ourlant mon âme à feu hurlant mon enfance dans le ventre de ma terre. Mère.
J’aime et j’ai mal à ce pays en moi de toujours.
Que faire pour inverser le cours de l’histoire qui court à notre perte ? cette histoire sans tête, criblée de dettes de sang.
Que faire ? Certains se le demandent encore.
D’autres, ont abandonné. L’espoir de revoir un printemps.
L’espoir de sortir du marasme.
Haut les cœurs. Morts. Atrophiés.
Nous sommes.
Livrés à nous-mêmes.
Et à nos démons intérieurs.
Et pendant ce temps-là, notre hymne résonne. Fort.
Pourtant nous ne l’entendons pas, nous ne l’entendons plus.
Peut-être même que nous ne l’avons jamais entendu d’ailleurs, jamais entendu vraiment.
« Comme un soleil
Ton drapeau fier doit être
Un symbole ardent
De joie et d’unité… »
Le soleil s’est tu, il ne chante plus.
Et tous les symboles semblent avoir foutu le camp.
Avec la joie et l’unité. Le torchon brûle. Entre nous. Camerounais. Sidérés. Le torchon brûle. Et notre drapeau n’est pas loin. De partir en fumée aussi. Avec ce qui nous reste. De fierté, d’intégrité, d’honnêteté intellectuelle, de liberté de pensée.
Le tonnerre gronde. En nous. Et partout autour de nous.
Il pleut.
Des maux, sans mots pour les soigner ; nous sommes un peuple malade, sans remède pour nous sauver. Nous relever.
Ensemble !!!
Il pleut.
Des cordes, et des larmes sur les joues des enfants du pays.
La haine veut faire « main basse sur le Cameroun ».
Et la haine appelle la haine. Toujours.
Notre hymne résonne. Fort.
« ô Cameroun berceau de nos ancêtres
Va debout et jaloux de ta liberté… »
Les ancêtres doivent se retourner dans leurs tombes, pour ne plus nous regarder aller ainsi, aussi mal, à genoux, si peu respectueux de nous-mêmes. Sans honneur ni grandeur.
Things fall apart.
Oui ébranlé le pays l’est.
Du nord au sud. De l’ouest à l’est.
Bousculé, le pays tout entier semble basculer.
Pris dans la folie dangereuse du tribalisme et des divisions, nous allons au suicide collectif.
Comment lutter ?
Lutter contre nous-mêmes.
Lutter pour nous-m’aime.
Avons-nous d’autre choix d’ailleurs, que celui de lutter ?
Lutter pour faire advenir l’Homme enfin.
L’humain respectueux de lui-même.
Lutter pour briser nos chaînes mentales.
Lutter pour sortir de nos querelles ancestrales.
Lutter pour rompre avec la fatalité, « Le Cameroun c’est le Cameroun », « on va faire comment ? », et toutes ces phrases qui nous enferment, nous emprisonnent, nous déterminent.
Dans l’idée mortifère que rien ne peut changer, et pire que nous ne pouvons rien faire ni défaire, ni individuellement, ni collectivement.
Comment lutter ?
Pour en finir avec l’amertume et la tristesse amère qui tuent l’espérance en sursis, en détention provisoire depuis trente-six ans.
Comment lutter ?
Certains se le demandent encore.
D’autres ont abandonné, pourtant rien n’est perdu.
Nous sommes requis. Toutes et tous.
Au rendez-vous de la conquête.
De notre dignité de femmes et d’hommes.
A la rencontre de nous-m’aime.
Debout.
Enfants du mboa.
D’ici et de là-bas.
Enfants du mboa.
Et de l’instant de tendresse tant attendu.
J’aime et j’ai mal à ce pays en moi de toujours ourlant mon âme à feu hurlant mon enfance dans le ventre de ma terre.
Mère.
Je partage ici cet extrait de mon roman « Les lumières d’Oujda », parce que je n’ai pas les mots, enfin je n’ai pas d’autres mots que ceux-ci, mis dans la bouche de mon narrateur, « j’aime et j’ai mal à ce pays en moi de toujours ourlant mon âme à feu hurlant mon enfance dans le ventre de ma terre. Mère. », ce pays dans lequel sont morts samedi 24 octobre, dans la ville de Kumba, en zone anglophone, des enfants dans leur salle de classe, assassinés par des hommes. Des hommes ? je reste sans réponse, mais pas sans voix, tremblante, pour dire ma révolte, et ma tendresse aux familles endeuillées.
Que ces petits anges, reposent en paix.
J’ai mal au mboa.
MAOB
One Love !!!
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